La souffrance au travail est un problème qui concerne les professionnels de la santé. Toutefois, l’identification des cas isolés et collectifs de travailleurs souffrants est l’affaire de tous. Cela signifie que les managers, les employeurs et même les salariés, devraient se sentir concernés. Ils doivent être capables de repérer des changements d’attitudes traduisant le mal-être d’un collaborateur, et c’est de cela que nous parlerons dans cet article. Comment mettre en évidence les signes de souffrance au travail ?

Comment identifier un cas de souffrance individuelle ?

Les manifestations de la souffrance au travail varient d’une personne à une autre. Il serait donc présomptueux de dresser un schéma standard qui caractériserait ce type de problème. En effet, les individus réagissent différemment à la souffrance et au stress et ce, que ce soit au travail ou dans tout autre environnement. Les signaux qu’ils émettent dépendent de facteurs tels que l’environnement personnel et professionnel dans lesquels ils évaluent, leurs ressources physiques et psychologiques, l’historique de la souffrance accumulée... Ce sont ces facteurs qui influencent l’expression des signaux d’un travailleur à un autre.
Pour repérer ces changements, aussi minimes soient-ils, il faut définir un certain nombre de données sur lesquelles s’appuyer. C’est la raison pour laquelle cette tâche est souvent confiée aux professionnels de la santé. Car, il faut être capable de collecter ces données auprès du travailleur, les analyser et les mettre en relation pour caractériser la souffrance qui le ronge. Néanmoins, certains signaux doivent attirer l’attention des managers et employeurs. Bien que relativement faibles pour confirmer un cas de souffrance individuelle, ils peuvent leur permettre de détecter les individus en difficulté.

  • Les signes émotionnels : l’irritabilité, l’angoisse, une tristesse continue, un manque excessif de confiance en soi, des comportements addictifs (alcools, antidépresseurs, drogues…)
  • Les signes physiques : une fatigue excessive, L’apparition de plaintes somatiques (hypertension, infections chroniques…), des troubles gastriques à répétition, des courbatures, le mal de dos, les troubles du sommeil, de l’appétit ou de la mémoire.
  • Les performances au travail : démotivation croissante, désengagement vis-à-vis du travail, erreurs inhabituelles ; difficultés dans la prise d’initiatives ou de décisions, difficultés dans l’apprentissage de nouveaux protocoles, problèmes de concentration, augmentation significative de l’amplitude de travail, horaires et temps de travail excessivement prolongés (travail durant le weekend, les jours férié et même les congés).
  • Les signaux sociaux et comportementaux : comportement violents envers ses collègues, mouvements d’humeur envers l’employeur (insubordinations à répétition, revendications salariales non justifiées…), absentéisme, détachement, isolement, repli sur soi, démotivation croissante, désengagement vis-à-vis du travail…

Comment identifier un cas de souffrance collective ?

La souffrance au travail n’est pas seulement individuelle, elle peut aussi être collective. De même que pour les cas isolés, il existe des indicateurs qui permettent de déterminer un mal-être global des collaborateurs au sein d’une unité ou d’un service. En les mettant en évidence, les managers sont capables de prendre les mesures nécessaires pour éviter d’éventuelles complications (accidents, maladies, suicides…).
Ici les signaux recherchés sont plus quantitatifs que qualitatifs. Il suffit de prêter attention aux données enregistrées en interne, à travers la consultation de documents tels que le bilan annuel de la médecine du travail, le document unique, les procès-verbaux et ordres du jour des réunions plénières…Ces archives constituent de véritables mines d’or en matière de données révélatrices de l’état global des travailleurs. Elles fournissent des informations détaillées sur l’évolution des maladies professionnelles, les accidents de travail, la fréquence des alertes de la médecine du travail et autres. Lorsqu’elles sont bien analysées et mises en relation avec efficacité, ces informations permettent d’identifier des cas de souffrance collective sans trop de difficultés.

L’importance de la communication dans le processus de prévention et de détection des cas de souffrance au travail

La communication avec le salarié occupe une place importante dans le processus de prévention et de détection des souffrances physiques et morales au travail. Pour bâtir une stratégie de prévention efficace, il faut mettre l’accent sur la communication durant les séminaires de formation des managers et des membres du CHSCT (Comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail à la sécurité au travail). Il est vrai que les médecins du travail sont payés pour ça, mais la fréquence de leurs contacts et rencontres avec les salariés n’est pas souvent suffisante pour détecter les problèmes à temps, ni pour les anticiper. En renforçant les compétences des managers et du CHSCT en matière de communication et de protection des salariés, ceux-ci pourront facilement détecter les individus à risque et en référer aux médecins.

L’intervention du médecin du travail

Le médecin du travail occupe une place centrale dans la stratégie de prévention et de détection des souffrances au travail. Pourquoi est-il si important ? Tout simplement parce qu’il est le point de départ et d’arrivée de toutes les informations liées à la santé des travailleurs dans l’entreprise. C’est à lui de définir la méthodologie adaptée pour détecter les cas isolés et les phénomènes collectifs de souffrance. C’est aussi lui qui est chargé de la prise en charge des cas mis en évidence par ses soins, grâces aux managers ou aux employeurs eux-mêmes. L’objectif est de protéger les droits des travailleurs, tout en évitant que leur mal-être n’ait un impact négatif sur la productivité de la société.